top of page

🧠 L’intelligence artificielle et le droit des marques : quelles stratégies pour les entreprises en 2025 ?

  • Eric Dupont
  • il y a 4 jours
  • 4 min de lecture

L’intelligence artificielle bouleverse tous les métiers, y compris ceux de la création, du marketing et du droit. En matière de marques, elle agit à la fois comme un formidable accélérateur d’innovation… et comme un facteur de risques inédits.


En 2025, de plus en plus d’entreprises confient à l’IA la mission de générer des noms, logos ou slogans. Or, si ces outils séduisent par leur efficacité, ils soulèvent de sérieuses questions : qui est le véritable créateur ? Comment s’assurer qu’une marque née d’un algorithme est réellement disponible ? Et comment protéger efficacement un actif immatériel conçu par une machine ?


Cet article fait le point sur les nouveaux défis et les stratégies gagnantes pour concilier créativité augmentée et sécurité juridique.


I. L’IA, nouvel acteur de la création de marques


Depuis deux ans, les générateurs de noms et de logos se sont multipliés : ChatGPT, Namelix, Midjourney, DALL-E ou encore Ideogram proposent des centaines d’idées en quelques secondes.


Ces outils s’appuient sur des modèles statistiques : ils combinent des syllabes, des racines linguistiques et des tendances sonores issues de millions de marques existantes. Le résultat ? Des créations séduisantes, souvent “dans l’air du temps”… mais rarement distinctives.


On voit ainsi fleurir des appellations en -ly, -ify, -ia ou -mind, toutes issues d’IA génératives et déjà surchargées de dépôts antérieurs. Ce phénomène conduit à une homogénéisation du marché et à une explosion du risque de confusion.


👉 Premier conseil : même lorsqu’une marque provient d’un outil d’IA, une recherche d’antériorités humaine reste indispensable avant tout dépôt. Seule une analyse juridique approfondie peut évaluer la disponibilité réelle du signe sur les plans phonétique, visuel et conceptuel.


II. Qui est le “créateur” de la marque ? — La question de la titularité


Le droit des marques repose sur une évidence : il faut qu’une personne – physique ou morale – dépose le signe pour en être titulaire. Or, une intelligence artificielle ne peut être considérée comme sujet de droit.


Une marque “créée par IA” ne saurait donc appartenir à la machine : elle appartient à celui qui l’exploite, c’est-à-dire à l’entreprise ou au prestataire qui a paramétré l’outil et validé la création.


Cependant, dans la pratique, la chaîne contractuelle est souvent floue. Lorsqu’un freelance en communication ou une agence utilise Midjourney ou ChatGPT pour concevoir un logo, rien ne garantit que les droits d’exploitation soient automatiquement transférés au client.


👉 Bon réflexe : insérer systématiquement une clause de cession de droits spécifique à l’usage d’IA dans tout contrat de naming, de graphisme ou de communication. Elle doit préciser :


  • que le prestataire garantit être titulaire des droits d’usage des outils employés ;

  • que toute création produite, même générée par IA, est cédée intégralement au client.


Sans cela, le risque est réel : un logo ou un nom de marque pourrait se retrouver juridiquement “orphelin”, ou pire, contesté par un tiers.


III. L’IA au service de la protection et de la défense des marques


Si l’IA bouscule la création, elle révolutionne aussi la protection des marques.

Les outils de surveillance automatisée se perfectionnent : ils scrutent en continu les marketplaces, les réseaux sociaux et les bases de données pour détecter des usages non autorisés. Grâce à l’apprentissage automatique, ils identifient des similitudes phonétiques ou visuelles qui échapperaient à un œil humain.


Certaines plateformes vont encore plus loin : elles anticipent les tendances de contrefaçon, repèrent les typologies de fraude par territoire, et hiérarchisent les risques. L’EUIPO elle-même expérimente des modèles d’IA pour analyser les similarités entre signes figuratifs.


Toutefois, ces systèmes ne sont pas infaillibles. Ils génèrent encore de nombreux faux positifs, qui peuvent détourner l’attention des vraies menaces. La décision finale doit donc toujours rester humaine.


👉 Stratégie gagnante : combiner la puissance d’analyse de l’IA à l’expertise d’un conseil en propriété industrielle capable d’interpréter, hiérarchiser et agir en conséquence.


IV. Les nouveaux risques : banalisation, responsabilité et preuve


  1. Banalisation du signe.L’usage massif d’IA génère une standardisation linguistique qui fragilise la distinctivité. Des marques trop génériques ou descriptives peuvent être refusées à l’enregistrement ou invalidées par la suite.

  2. Responsabilité en cas de litige.Si une IA “s’inspire” d’un signe existant sans le savoir, l’entreprise qui dépose la marque reste seule responsable. Le concepteur du modèle n’a aucune obligation légale envers l’utilisateur final.

  3. Question de la preuve.En cas de contentieux, il devient essentiel de documenter le processus de création : prompts utilisés, versions intermédiaires, date d’obtention… Autant d’éléments permettant de prouver la bonne foi et l’antériorité du déposant.


V. Comment adapter sa stratégie marques en 2025 ?


Face à ces évolutions, les entreprises doivent repenser leur approche. Quelques bonnes pratiques s’imposent :


1. Cartographier les usages de l’IA


Identifier précisément à quelles étapes (naming, design, rédaction, veille) l’intelligence artificielle intervient. Cette cartographie permettra d’évaluer les zones de risque et de déterminer les contrats à sécuriser.


2. Mettre à jour les contrats


Chaque collaboration impliquant l’usage d’un outil génératif doit inclure :


  • une clause de cession couvrant les créations issues d’IA,

  • une garantie d’originalité,

  • une responsabilité explicite du prestataire en cas de contrefaçon.


3. Former les équipes marketing et communication


Sensibiliser les collaborateurs à la notion de distinctivité, à la vérification des antériorités et aux limites de la création automatisée. Une formation courte suffit souvent à prévenir des erreurs coûteuses.


4. Renforcer la surveillance de marque


Utiliser des outils d’IA pour élargir la détection, mais conserver un arbitrage humain. Les entreprises doivent également prévoir des procédures rapides de réaction (lettre de mise en demeure, opposition, etc.).


5. Adopter une politique PI “augmentée”


L’idée n’est pas de résister à l’IA, mais de l’intégrer intelligemment : confier la production à la machine, mais l’analyse, la validation et la stratégie à des experts.


Conclusion


En 2025, l’intelligence artificielle ne menace pas le droit des marques ; elle en révèle au contraire toute la nécessité.


Les entreprises qui se contentent de déléguer leur créativité à une machine risquent de bâtir sur du sable. Celles qui associent l’IA à une stratégie juridique rigoureuse construisent au contraire un avantage compétitif durable.


La véritable innovation ne consiste pas à remplacer l’humain, mais à amplifier sa vigilance, sa créativité et sa capacité d’anticipation.C’est là que se joue l’avenir du droit des marques : entre la puissance de la donnée et la finesse du discernement humain.

Commentaires


bottom of page